Pourquoi j’ai décidé de tourner la page de la couture
Il y a des moments dans une vie où l’on ne prend pas une décision : on la reconnaît.
Pas parce qu’on est prête. Pas parce que c’est facile.
Mais parce que continuer à faire semblant devient plus douloureux que d’oser changer.
Vingt ans à transmettre, à guider, à écouter
Avant d’entreprendre, j’ai travaillé pendant vingt ans dans l’Éducation nationale.
Vingt ans à accompagner des parcours, à adapter ma manière de transmettre, à écouter entre les lignes ce qui se jouait au-delà des apprentissages.
Quand j’ai quitté cette institution, je croyais que je savais exactement où j’allais.
La couture avait toujours occupé une place importante dans ma vie.
J’avais passé un CAP par passion, presque en secret.
Et enseigner, c’était un terrain que je connaissais, dans lequel je me sentais légitime.
Alors je me suis lancée dans ce qui me semblait être une évidence : allier la pédagogie à la création textile.
C’était fluide, logique, naturel.
Mais ce que je ne savais pas encore, c’est que la logique ne suffit pas toujours quand quelque chose de plus profond cherche à émerger.
Une passion qui ne vibrait plus
Pendant plusieurs années, j’ai transmis la couture avec sincérité et engagement.
J’ai accompagné des centaines de femmes à travers leurs projets, leurs doutes, leurs envies de créer quelque chose de leurs mains.
Mais petit à petit, sans que je puisse mettre des mots dessus tout de suite, une sensation s’est installée : un léger décalage.
Comme si je continuais à faire les choses “comme il faut”, tout en sentant que je n’y étais plus complètement.
J’avais encore l’élan d’être là, mais plus la vibration qui faisait battre mon cœur quand je parlais de techniques, de patrons, de finitions.
Et ce vide intérieur, je ne pouvais plus le camoufler derrière des tutoriels bien faits.
Parce que la vérité, c’est qu’on ne peut pas transmettre quelque chose qu’on ne ressent plus dans ses cellules.
Ce que je faisais déjà sans le savoir
Ce que je n’ai pas vu tout de suite, c’est que la couture m’a menée ailleurs, dès le départ.
Derrière les projets textiles, il y avait autre chose qui s’exprimait : le rapport que chaque femme entretenait avec son corps, avec son image, avec sa valeur.
Chaque essayage devenait un miroir.
Et souvent, c’était dans les silences, dans les regards fuyants, dans les phrases lâchées à mi-voix — “je ne pensais pas que ça m’irait”, “je me cache tout le temps”, “j’aimerais oser mais je n’y arrive pas” — que tout se disait vraiment.
Ce n’était pas l’ourlet qui m’émouvait.
C’était la manière dont une femme se tenait quand elle osait enfin porter quelque chose qu’elle n’avait jamais osé avant.
C’était le frisson qui passait quand elle se regardait différemment.
C’était le corps qui reprenait sa place.
Et moi, c’est là que je me sentais à ma place aussi.
Pas dans la précision technique, mais dans l’espace invisible entre le vêtement et la femme qui le porte.
Ce que je choisis aujourd’hui
Je ne quitte pas la couture parce que je l’ai rejetée.
Je la quitte parce qu’elle a été une étape, une porte, une initiation.
Aujourd’hui, ce n’est plus la technique que je veux transmettre.
C’est une manière de se regarder, une manière de s’habiter.
Je choisis d’accompagner l’image de soi — mais pas celle qu’on ajuste pour entrer dans les cases.
Je parle de l’image authentique, celle qui se construit à partir du corps, de l’énergie, du rythme intérieur.
Je n’aide pas les femmes à corriger quoi que ce soit, je les accompagne à se reconnaître.
À travers leurs vêtements, oui.
Mais surtout à travers ce qu’elles ressentent, ce qu’elles vibrent, ce qu’elles incarnent.
Ce n’est pas une rupture. C’est une révélation.
Je ne tourne pas le dos à la couture, je lui dis merci.
Je la laisse derrière moi comme on quitte une maison qu’on a aimée, mais qu’on a cessé d’habiter intérieurement.
Il est temps pour moi d’habiter un espace plus vaste.
Un lieu de travail plus nu, plus sensible, plus vivant.
Un espace où je peux dire les choses telles qu’elles sont :
Le vêtement n’est pas un outil pour paraître,
c’est un prolongement de soi, une vibration, une présence.
Et si je choisis aujourd’hui d’emprunter un nouveau chemin, ce n’est pas parce que j’ai raté le précédent.
C’est parce que je suis prête à m’écouter encore plus profondément.
Peut-être que toi aussi, tu sens que tu es à l’étroit.
Peut-être que tu continues à faire ce que tu sais faire.
Parce que ça marche, c’est logique ou parce qu’on t’y attend.
Mais au fond, tu sais que tu n’y es plus.
Et c’est OK !
Ce n’est pas « grave » de changer,
ce qui serait grave, ce serait de rester là où ton énergie ne circule plus.
Ce que je vis aujourd’hui, ce n’est pas un repositionnement, c’est une mue, une transformation, une évolution.
Et j’y invite toutes celles qui sont prêtes, elles aussi, à ne plus se cacher,
à ne plus se trahir,
à s’habiller pour être, et non pour plaire.
